Pagine a cura di Coline Kern e Dide Riviera

Pagine a cura di Coline Kern e Dide Riviera

mercoledì 17 settembre 2008


Un appareil photo entre nous au lieu d’un verre.

Conversation avec Coline Kern



Née en 1988 Coline Kern est une jeune musicienne compositrice et dj. Active à son compte dans la musique sous le nom de P°ppermost, chef de file du projet de group Mrs Echoes, elle est aussi une figure emblématique des nuits parisiennes. Coline et les soliloques (DJ) joue au Truskel, au Tape, au Plastic, au Motel, au Ne Nous Fachons Pas et à Mains d'Oeuvres. Amie de Sébastien Mazière elle a participé à sa collection Rendez-vous. Nous avons décidé ainsi de l'interviewer...



Chorus una costellazione :

Est-ce que vous vous souvenez du jour où vous avez connu Sébastien ?

Coline Kern :

Un après-midi, alors que je descendais la rue Oberkampf, à Paris, avec une amie, un garçon en chemise à fleurs, un appareil photo à l’épaule, une casquette sur la tête et un sourire collé au visage descendit de sa bicyclette pour la saluer. Elle fit alors les présentations, et au bout d’une poignée de minutes, nous avions déjà prévu de nous retrouver le soir même au Pop In.

Est-ce qu’il vous a demandé très vite de poser pour ses images ?

En effet, le soir même !

Et vous rappellez vous de comment il a fait et de ce que vous lui avez répondu ?

Oui, nous étions en train de plaisanter tous les trois, on riait beaucoup, et il nous parla d’une série de photographies sur le thème des années cinquante qu’il avait en tête, et pour laquelle il avait pensé à moi en me voyant ! Je trouvais sa manière de poser la question tellement charmante que j’ai tout de suite dit oui.


Sébastien était quelqu’un qui dégageait une chaleur et une gentillesse profondes telles, qu’il paraissait logique d’accepter puisqu’on était tout de suite en confiance avec lui. Il ne paraissait ni sûr de lui, ni intimidé, il amenait le sujet simplement et posait la question de la même manière. Il est de ces personnes avec qui tout semble simple et enchanteur, il donnait envie de le suivre.


Qu’est-ce qu'il vous charmait de sa démarche, je veux dire avant même de voir ses images, quand vous étiez ensemble? Seriez vous à même de décrire ?

Il se contentait de me dire « voici une façade que j’ai repéré, tu peux te placer devant et on commence ! ». Alors pour moi qui n’avait jamais posé auparavant, je trouvais cela assez intimidant, je ne savais pas quoi faire, donc je lui parlais, et il n’arrêtait pas de me prendre en photo. C’était comme lorsqu’on discutait autour d’un bar, sauf que nous étions en plein milieu d’un trottoir et qu’il y avait un appareil photo entre nous au lieu d’un verre. Il changeait d’angle, n’arrêtait pas de photographier, murmurait des « Oh ! » « Ah ! » « Génial, c’est parfait ! », ça ressemblait à un jeu et c’était très agréable, nous riions beaucoup, et les gens qui passaient à côté semblaient amusés, et parfois s’arrêtaient.

(Description de l’acte photographique. Silence ? Mots ? Vous aviez la sensation que quand il était content de ce qu’il perçait par l’objectif ça se voyait ? Comment il sortait ses sujets de leur univers intérieur ? Comment il faisait en sorte que vous soyez si présente dans ses photographies ? Vous en avez une idée ? Quel rapport s'établissait-il à l’espace qui vous contournait ? Il restait longtemps avant de prendre une image ? Qui l’avait choisi cet espace ? Et comment ? Il a fallu attendre longtemps avant de trouver des lieux ? )

C’est lui qui avait choisi les endroits dans lesquels il m’emmenait, cela a pris des mois avant qu’il me rappelle pour faire cette séance, nous nous voyions mais ne mentionnions pas le sujet, je n’y pensais presque plus. A un moment, je croyais même qu’il avait plaisanté, mais quelques mois plus tard, il me rappelait pour me proposer de faire ces photos.

Et l’éclairage, la composition, la forme ?

Il comptait beaucoup sur la lumière, nous étions au mois de mai et le temps était capricieux, mais ce jour là la lumière était douce et lumineuse, et il était ravi.

Dans une de ses plus belles photos il vous photographie, et vous n'êtes presque pas là. On voit juste votre manteau, vos jambes, vos chaussures (nous pensons bien que c’est vous, non ?) Quel chef d’œuvre: parvenir par ces seuls éléments a fait ressortir on dirait presque votre émotion à ce moment là. Emotion ce n’est pas le bon mot. Mais cette … Vous êtes toute entière là et nous on ne voit qu’un bout de vous. Est-ce que vous partagez notre impression ? Cette sensation que nous avons qu’il savait tirer de rien la présence humaine, féminine dans ce cas là.

Tout ce que je sais c’est qu’il aimait beaucoup ces escarpins, et que lorsque la séance passa en intérieur (dans une laverie du XXème) il se mit à les photographier sans interruption, comme si c’était là qu’il fallait le faire. Tout ce que je sais, c’est que malgré le fait que son travail semblait instinctif, puisqu’il me laissait libre de mes faits et gestes, il savait parfaitement ce qu’il faisait et comment s’y prendre.

Souvent des photos de vêtements chez Sebastien disent tout d’une personne ou d’un corps sans qu’on le voie. C’est étonnant, non ?

A ce sujet, je ne sais pas quoi répondre, si ce n’est que Sébastien m’avait posé beaucoup de questions concernant ma garde-robe et l’avait relié au fait qu’il trouvait que j’avais des airs de Françoise d’Orléac, comme si c’était les ingrédients qui suffisaient à sa composition.



Et ensuite, plus tard, vous avez vu les photos qu'il avait faites de vous. Arrivez vous à reconstituer quels ont été vos sentiments : stupeur ? Bonheur ? Étonnement ?

Je les ai reçues en différé, au fur et à mesure que son travail avançait, il me faisait parvenir par mail les résultats potentiels de son travail, accompagnés de ses impressions et de la même question qui revenait : « Qu’en penses-tu ? J’attends tes impressions, n’hésites surtout pas à m’en faire part ! ».
A chaque fois, je ne m’attendais pas à un tel résultat, que ce soit au niveau des couleurs que de la composition, du recadrage, il transformait les lieux en émotions.

Vous avez eu la chance d’avoir l’amitié de Sébastien , pouvez vous nous parler de son amour pour l’art qui ressort si profondément - pour nous qui ne l’avons pas connu - de ses photographies ?

Nous parlions souvent de cinéma surtout, étant une grande fan de Godard et Truffaut, nos discussions tournaient autour de Françoise d’Orléac, Anna Karina, la façon de jouer, la simplicité des émotions, la beauté des images et la joie que nous procuraient ces histoires.
Nous parlions beaucoup de musique aussi, évidemment, puisque je suis Dj, et très attachée aux sonorités des années soixante, chose que nous partagions aussi.

Avez vous fait plus d’un cycle de photographies ensemble ?

Malgré le fait qu’il fut question d’une autre collection dans laquelle je devais apparaître, notre collaboration s’arrêta à sa dernière collection, l’unique fois où j’ai posé pour lui, c’était pour « Le Rendez-vous ».



Dans les portraits de Sébastien, même dans les plus solitaires ou les plus tristes il y a toujours , il nous semble, une énergie qui se dégage de l’intérieur, une sorte de confiance infinie en ce qui se passait sous ses yeux. Il nous est arrivé d’évoquer à ce sujet même le mot aujourd’hui très douloureux d’optimisme. Est-ce un leurre de notre part ou vous aviez la même sensation devant ses photographies?

Sébastien semblait concrétiser une image qu’il avait en tête lorsqu’il prenait des photos et disait : « C’est parfait ! », comme s’il savait à l’avance ce qu’il voulait, et l’obtenait ensuite. C’était très étrange puisqu’au départ, nous ne pouvions absolument pas savoir comment cela allait se passer, et pourtant…

Il y a une espèce de grâce ou de fête fragile du voir par laquelle il faisait émerger les choses qu’il aimait. Est-ce que nous nous trompons ?

Je pense que Sébastien avait une manière de voir les choses, les gens, toute à lui, qui ressort absolument à travers ses clichés. Regarder ses photos c’est un peu comme voir le monde tel qu’il le percevait, à travers ses yeux. Il arrivait à faire partager autant grâce à l’amour qu’il portait à la photographie, je ne vois pas d’autre réponse !

Comme s’il y aurait eu une trahison à ne pas vous accueillir toutes telles que vous étiez. A la fois y a-t-il un décalage qu'il aurait su créer entre vos images et vous, Coline ? Vous reconnaissez-vous dans ses photos ? Quelle partie de vous que vous aimez ou dont vous êtes curieuse reconnaissez vous en ces images qui vous restent ?

Je ne pense pas qu’il ne nous accueillait pas telles que nous étions mais qu’il nous offrait une vision de nous différente de celle que nous avions de nous-mêmes : la sienne. Dans ses photographies, je reconnais ma spontanéité, ma timidité et une grande tristesse due à mon histoire personnelle. Il semblait capter des émotions qui nous habitaient, de là une certaine indécence artistiquement magistrale.

Lisa Fossengrives, qui posait pour de grands photographes - Irving Penn ou Blumenfield par exemple - et qui en a fait la fortune parlait à propos de son expérience de modèle, d’une prolongation de la danse. Elle utilisait une expression telle « une danse immobile » ou parlait de « vibrations affectives » et vous comment avez vous vécu votre expérience avec Sébastien ?

Le moment entre le début de la séance et la fin était une expérience très particulière, de laquelle je suis sortie assez chamboulée, comme après avoir partagé quelque chose de très fort. Je ne sais pas comment expliquer ça. Je pense que le terme de « vibrations affectives » qu’a employé Lisa Fossengrives est le mot juste, qui résume tout.

Un portrait est une vraie collaboration entre l’artiste et son modèle. Réaliser une belle image ne relève pas du seul photographe. Quel rapport avez vous avec les photographies que Sébastien a fait de vous et tout le long de son œuvre ?

Je pense que son travail traduit la confiance et les rapports particuliers qu’il entretenait avec chacun des modèles.

Nous tenons à vous remercier, Coline Kern, de la gentillesse avec laquelle vous nous avez accordé cet entretien.

(propos recueillis par Dide pour Chorus Una Costellazione )
luglio 2008


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