Pagine a cura di Coline Kern e Dide Riviera

Pagine a cura di Coline Kern e Dide Riviera

mercoledì 17 settembre 2008

Un traducteur d’âmes par l’image

Conversation avec Claire Cosnefroy




Sa première apparition publique remonte significativement à une série d’images magnifiques de Sebastien Mazière. Mais justement Claire Cosnefroy n’est pas du tout une mannequin, elle est en revanche une des musiciennes plus intéressantes et que Chorus une constellation suit plus volontiers dans la jeune scène pop française (http://www.myspace.com/lafiancee). Elle prépare en ce moment aux édtions Strictly Confidential, sous le nom de La Fiancée et avec des collaborateurs d’exception, son premier album dont nous avons eu la chance d'écouter déjà quelques morceaux (Nous y reviendrons au moment de sa sortie). Avec beaucoup de talent elle travaille aussi dans le monde de la mode comme styliste (en ce moment entre autres pour le magazine Elle). Sa présence nous a semblé particulièrement importante dans le cadre de l'hommage que notre revue souhaitait rendre à l'oeuvre de Sébastien Mazière. Nous l'avons ainsi interviewée.



Chorus una costellazione :

Comment vous avez connu Sébastien ?

La Fiancée :

J’ai rencontré Sébastien en mai 2007 par le biais d’amis communs. Il recherchait à cette époque des modèles pour un cycle de photographies sur les années 50 et 60. Il avait vu une photo de moi, l’a aimée et m’a contactée : il m’a envoyé un e-mail très gentil où il me présentait son projet et me proposait de travailler ensemble.
Nous nous sommes parlé plusieurs fois par téléphone et avons convenu très vite d’un rendez vous (nous étions tous les deux d’accord sur le fait qu’un bon projet est un projet qui se fait rapidement, dans la foulée, et que c’est comme ça que doivent se passer les choses quand deux volontés s’accordent parfaitement).
Nous nous sommes donc rencontrés au carrefour de l’avenue Ledru Rollin et du boulevard de Charonne, dans le 11e arrondissement, pas très loin de chez lui ; les lieux qu’il voulait photographier se trouvaient à proximité.
Je ne l’avais jamais vu mais je l’ai reconnu tout se suite, et j’ai su immédiatement que nous nous entendrions bien. C’est d’ailleurs l’image de lui dont je me rappelle le mieux : lui avançant vers moi avec sa casquette et sa chemise hawaïenne, souriant.

Est-ce qu’il a été facile pour Sébastien de vous convaincre à participer à son projet ? Vous hésitiez ? Et lui ?

Travaillant moi-même dans l’image mais plutôt de l'autre côté de l’objectif, l’idée d’inverser les rôles m’a séduite immédiatement, parce qu’elle me permettrait de comprendre un peu mieux mon métier.
J’étais néanmoins très intimidée, car je sais combien il est parfois difficile et absolument pas anodin de se laisser de cette façon regarder par quelqu’un : c’est quelque chose de très intime.
Mais je ne sais pas, je lui ai automatiquement fait confiance et j’avais envie de dépasser cette retenue en moi. Il m’y a aidée, et cette expérience reste unique et très singulière pour moi.

Qui plus est, j’ai tout de suite aimé son travail et la douceur qui s’en dégageait, qui s’accordait aussi parfaitement à mon projet musical. Nous nous sommes très vite entendus sur le fait que je puisse également utiliser des images pour ce dernier.

Qu’est-ce que vous aimiez,dans sa manière de photographier, avant même de shooter avec lui? Seriez vous à même de décrire?

Ce que j’ai aimé de prime abord, c’est que Sébastien savait que photographier des personnes et des mannequins sont deux choses radicalement différentes. Un mannequin apprend à poser et à se faire l’instrument d’un photographe.
Sébastien cherchait, je crois, à être un traducteur d’âmes par l’image, il cherchait me semble-t-il à être comme un filtre, à trouver dans ses modèles cette douceur qui l’habitait.
Au lieu de leur demander de bouger, ce qui aurait été inconfortable pour eux, embarrassant car poser n’est pas inné, Sébastien savait tourner autour d’eux jusqu’à ce qu’il trouve l’angle juste, le moment de grâce auquel il aspirait, le vent dans les cheveux, le regard dans le lointain…
Cela a beaucoup contribué à me mettre à l’aise, n’ayant rien d’autre à faire que d’être moi. J’ai aimé qu’il cherche autour de moi ses images, car cela traduisait pour moi une remise en question de sa part, l’expression d’une volonté d’action véritable, qu’il ne considérait pas que tout devait venir des autres.
D’autre part, Sébastien embellissait véritablement ses modèles. Contrairement à une certaine mouvance de photographes actuels, son but n’était pas de recueillir des instantanés parfois très crues. Il cherchait quelque chose de plus universel, de plus sensible, tant dans les poses que dans la couleur, quelque chose d’intemporel, sans être non plus dans la reproduction d’images mille fois vues.
Sébastien n’étais pas passéiste, mais portait en lui cette nostalgie et cette envie de beau et d’absolu. Son travail exprime une retenue, un respect et une douceur qui pouvait parfois étonner: ceux qui le connaissaient se souviennent sans doute de son rire tonitruant et de ses conversations très animées, un maximum de mots en un minimum de temps, comme s’il courait après le temps. Le temps est un élément majeur dans son travail.

Rentrons maintenant avec vous dans la description de l’acte photographique. Silence ? Mots? Vous aviez la sensation que quand il était content de ce qu’il perçait par l’objectif ça se voyait ? Comment il faisait en sorte que vous soyez si parlante dans les photographies ?
Dans le cas des images que vous avez faites ensemble qui avait choisi l’espace ? Et comment ? Il a fallu attendre longtemps avant de trouver un lieu ?

Pendant qu’il shootait, Sébastien et moi parlions. Il avait l’air de tenir à ce que tout se passe de la façon la plus décontractée possible, que je me sente bien, ce qui était à ses yeux la condition sine qua non pour atteindre ce qu’il voulait faire ressortir de moi.
Je l’ai laissé faire, du début à la fin, me contentant de m’immobiliser quand il tenait quelque chose, essayant d’être aussi proche que possible de moi. Je savais que la meilleure façon d’obtenir un travail de qualité était de m’en remettre complètement à lui, n’ayant aucune expérience dans ce domaine. J’ai toujours aimé travailler en équipe et nous en formions une pour une heure: j’ai aimé que nos volontés et efforts soient tournés vers un même et seul but.
Nous restions à chaque endroit environ un quart d’heure, il shootait beaucoup et très vite, et savait rapidement s’il avait ce qu’il cherchait ou pas. Il m’a beaucoup encouragée, ce qui m’a beaucoup aidée à me rassurer et à sentir ce qu’il cherchait ; cela m’a aussi entraînée à donner plus encore, et à chercher plus loin avec lui, à proposer des choses : tout était possible, je me sentais complètement libre, ce qui était vraiment agréable pour une première expérience.
Il ne faut pas oublier que se laisser regarder aussi longtemps par un inconnu est très étrange, et de là à se laisser capturer…

Quant aux lieux, il les avait choisis lui-même auparavant, dans son quartier, qui a conservé quelques vieilles devantures. Nous avons donc suivi une sorte de parcours avant de trouver la deux chevaux par hasard dans la rue, devant laquelle nous avons commencé à prendre des photos. Le propriétaire, un vieux monsieur, était assis à une terrasse juste à coté. Il est venu nous parler quelques minutes, et séduit par la gentillesse de Sébastien, nous a même ouvert la voiture afin que nous puissions continuer à shooter à l’intérieur !
Il m’avait par contre laissée libre de choisir les vêtements, pour peu qu'ils rencontrent la sensibilité de son univers.




Quelle importance accordait-il Sebastien, tandis qu’il travaillait avec vous, à l’éclairage, la composition, la forme ?

Un photographe ne prend jamais ses photos au hasard ; Sébastien cherchait donc effectivement un cadrage, une lumière qui l’intéressaient Mais il ne me semble pas que cela l’obsédait : c’est le sujet qui l’intéressait avant tout.
Son travail reposait cela dit sur une importante partie de post-production : il retouchait beaucoup les couleurs et les lumières pour obtenir cet espèce de voile d’années qui rend ses images si particulières et si reconnaissables.

Et ensuite il y a cette sensation que nous avons souvent devant ses images et qui surgit du fait qu’il savait concrétiser à partir de peu d’éléments la présence, du fait qu’il savait tirer de rien la figure humaine, en particulier féminine. Savoir dire la personne, sans qu’on la voie ou presque. C’est étonnant, non ?

Sans que ça soit forcement le cas des images que Sébastien a fait avec moi, il est vrai qu’il a réalisé un travail extraordinaire sur la femme et la féminité à partir d’éléments d’une simplicité extrême : la peau, les cheveux et leur incroyable sensualité, les plis et les transparences des vêtements, ainsi que des zones du corps qui ne sont pas souvent exposées, comme la nuque, les jambes… Sébastien savait recréer de micro-univers terriblement sensuels et intimes entre une joue et une épaule, dans une cage d’escalier, la douceur des couleurs… C’est là une des forces de son travail, et il était vraiment très agréable pour une femme d’être regardée par un tel regard d’homme.

Vous avez eu la chance de fréquenter Sébastien, pouvez vous nous parler de son amour pour l’art qui ressort si profondément - pour nous qui ne l’avons pas rencontré - de ses photographies ?

Je n’ai malheureusement pas connu Sébastien aussi bien que certains ont pu le faire.
Ce dont je me rappelle néanmoins est la fougue qui l’enflammait quand il évoquait certains films et la musique, qui tenait une part si importante dans sa vie.

Dans les portraits de Sébastien, même dans les plus solitaires ou les plus tristes, il y a toujours , il nous semble, une énergie qui se dégage de l’intérieur, une sorte de confiance infinie en ce qui se passait sous ses yeux. Il nous est arrivé d’évoquer à ce sujet même le mot aujourd’hui très douloureux d’optimisme. Est-ce un leurre de notre part ou vous aviez la même sensation devant ses photographies?

Il est toujours extrêmement délicat de faire abstraction des évènements et du regard nouveau qu’ils nous induisent à porter sur ses œuvres…
Néanmoins même si je vois dans certaines images de Sébastien des regrets et de la nostalgie, il est vrai que sous cette immobilité, parfois ces masques, ces femmes sont éminemment vivantes et présentes.

Arrivez vous à reconstituer pour nous quels ont été vos sentiments quand vous avez pu voir le travail fini et ce qu’il avait fait de vous ? Stupeur ? Bonheur ? Étonnement ?

J’ai été enchantée et très étonnée… Je ne m’étais jamais vue comme ça. J’ai même pensé que ce n’était pas moi… Il s’en dégage une douceur que je savais être mienne intérieurement mais que je ne montre que très rarement, cette fragilité que l’on préfère souvent garder pour soi dans un monde où l’on attend souvent de vous que vous soyez un soldat… J’y ai vu une grâce que son regard a su capter. Il a été pour moi très émouvant de prendre conscience que c’est ainsi que Sébastien me voyait.
Et même quand il n’avait pas son appareil, il arrivait de sentir qu’il cherchait quelque chose quand il vous regardait, qu’il allait plus loin chercher dans vos yeux… Cela pouvait être déstabilisant.

Cela nous rappelle qu’un portrait est toujours une de plus extraordinaires collaborations qui existent en art. Ce partage qui se crée entre l’artiste et son modèle demeure stupéfiant. Réaliser une belle image ne relève jamais du seul photographe. Quel rapport avez vous maintenant avec les photographies que Sébastien a faites de vous?

Je lui suis infiniment reconnaissante de m’avoir donné l’occasion de faire avec lui cette nouvelle expérience et de me découvrir de cette façon, de m’avoir permis de dépasser une peur très profonde vis-à-vis du regard des autres.
Je lui suis infiniment reconnaissante de m’avoir invitée dans son monde et celui de ses femmes. Je ne les connais pas toutes, mais j’ai parfois l’impression que d’avoir été regardées par le même homme nous a, d’une certaine façon, liées les unes aux autres.
Je me suis sentie très honorée qu’il m’ait choisie et vraiment ravie d’avoir pu l’aider à mener à bien l’un de ses projets.
Et je dois ajouter que ses images m’ont aidée (même s’il ne le sait malheureusement pas) à me reconstruire à une période difficile de ma vie : savoir que quelqu’un pouvait déceler toutes ces choses en moi et me voir de cette façon m’a redonné confiance en moi.
Je ne l’en remercierai jamais assez.

Nous vous remercions de vous être prêtée avec une telle franchise et une telle douceur à cet entretien.

propos recueillis pour Chorus Una Costellazione par Dide
settembre 2008




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Les tirages de cette exposition ont été réalisés avec le soutien du laboratoire Picto' .

Les organisateurs souhaitent remercier
Martine Mazière, Bruno François-Boucher, Eglantine Aubry et Guillaume Demaison.


© copyright pour toutes les images Sébastien Mazière


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